vendredi 17 février 2012

La critique artistique québécoise

Lorsque je termine un livre, je suis souvent porté à aller lire les critiques. Estomaquée, je constate que des romans médiocres profitent d’une belle publicité. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, de la pub!  Non seulement la critique de livres disparaît rapidement des journaux et revues, mais ce qu’il en reste est biaisé. Ce qui motive ce phénomène n’est pas une perte d’objectivité, comme on pourrait le croire au premier regard. Non, c’est la peur. 
Le Québec étant un petit bassin culturel, le milieu artistique est donc un réseau réduit et très serré où tout le monde finit par se connaître.  Il y est aisé de se faire des contacts, donc tout aussi facile de se faire haïr. Puisque bon nombre d’écrivains, d’éditeurs, de journalistes, etc.  sont reliés, une mauvaise critique suffirait à fermer des portes à son auteur. Vous seriez intéressé, vous,  au travail de quelqu’un qui a mentionné publiquement, même poliment, qu’il n’a pas aimé votre dernier roman?
Avoir de bons contacts est vu comme primordiale, ainsi, n’en perdre qu’un seul se résumerait à un drame. Nous pouvons donc lire une tonne de critiques exagérant les bons côtés d’un récit, tout en passant sous silence les mauvais. Par exemple, lorsque j’étais critique littéraire chez Canoe.ca, l’éditrice de contenu m’a fait comprendre que quand je n’ai pas aimé un livre québécois, on ne publie pas les commentaires! Comme ça, pas de chicane dans la cabane.
Mon professeur de journalisme m’a appris une chose, on ne peut plus vraie, qui m’a enlevé toute confiance envers les médias. Il est très fréquent qu’une firme de relation publique invite un bon nombre de journalistes pour le visionnement d’un film par exemple. Lors de cette réunion, ceux qui seront chargés de commenter l’œuvre en question sont gavés de bonne nourriture et d’alcool de qualité. Ils sont carrément roulés dans la farine. Puis, si un de ces journalistes a le malheur de publier de mauvais commentaires, il n’est plus jamais réinvité. Il est exclu de la clique.
Critiquer ses paires n’est certes pas aisé (ce sont souvent des écrivains ou futurs écrivains qui remplissent ce rôle). On ne veut pas blesser et on ne veut surtout pas que ça se retourne contre nous.  Je ne suis pas pour la critique agressive qui démolit l’auteur (quoi que selon moi, certains romans n’auraient jamais dû être publiés. J’en viens même à les percevoir comme des insultes au bon goût des lecteurs, par exemple, tout ce que fait Anne Robillard) mais bien pour celle qui révèle les vraies impressions. La vérité, même si elle n’est pas rose, doit être dite dans le respect. Pas facile, dites-vous? C’est bien pour ça que la critique artistique est un art.

4 commentaires:

  1. Oui, tout à fait!

    Je dirais aussi que certains lecteurs ne sont pas très difficiles, aussi. Reprenons l'exemple d'Anne Robillard. Ses romans ne sont pas achetés par des lèches-bottes, mais par des personnes qui aiment vraiment ce qu'elle produit. Au risque de paraître élitiste, je dirais que ces personnes-là, il faudrait les éduquer un peu plus, les confronter à une littérature un peu plus vivante, plus intelligente, plus audacieuse que les récits prédigérés de Robillard et compagnie (en même temps, bon, soyons indulgent; 1) c'est tout de même de la littérature jeunesse, et 2) chacun ses [dé]goûts, finalement).

    Mais dans le fond, ça aiderait peut-être si les critiques pouvaient effectivement "faire le ménage" dans la production québécoise en faisant ressortir une oeuvre d'abord pour ses qualités artistiques et non pour son potentiel commercial. Utopique, je sais.

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  2. Je suis tout à fait d'accord avec toi. Par exemple, j'ai lu la série Soixante-Six de Michel J. Lévesque que je trouve excellente, mais la mode en ce moment est portée sur sa Wendy Wagner (dernière parution) et sa série Arielle Queen. J'avoue n'avoir lu ni l'un ni l'autre, mais je constate avec tristesse que la série Soixante-Six est complètement relégué au second plan, voire effacé. Ayant étudié la littérature, découvrir cette série a été pour moi un charme inespéré, mais pour le commun des mortels qui n'ont pas nécessairement fait de telles études, why care?

    Et si nous vivions dans le meilleur des mondes, j'affirmerais que je serais capable d'embaucher une personne qui a détesté le roman le plus en vogue s'il est capable de m'expliquer objectivement les raisons de son désarroi. Mais malheureusement, le monde ne tourne pas ainsi. J'ai pu le constater également après avoir publié une critique pas très élogieuse d'une petite novella publiée par une jeune maison d'édition indépendante. J'ai essayé d'être le plus objectif et droit possible. En ne visant ni l'éditeur ou l'auteur, mais bien le texte, puisque c'est de lui dont il est question. Ça n'a pas tourné tout à fait comme je l'avais cru et m'a obligé à repenser mes prochaines critiques.

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  3. Ce qui m'énerve avec le Web, c'est qu'aussitôt qu'on y publie une critique un tant soit peu négative d'une oeuvre québécoise, l'auteur va la lire, et va te répondre. Parce que c'est bien connu : tout le monde « google » son nom.

    Le milieu est trop petit.

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  4. Tu as tellement raison Dominic! Cela vient justement de m'arriver sur mon billet Necrophilia! Une madame en France, qui a publié son livre en 2004! C'est fort!

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